Le bonheur d'être ensemble (1er épisode)
Mystérieux le local des Piranhas? Lieu de réunion sectaire où se réunissent des jeunes obsédés par leurs corps et leurs performances? Pas vraiment quand on les rencontre et on les écoute attentivement pour une belle leçon de rigolades et de joies.
On s’était donné rendez-vous un lundi au local. Après les cours et juste avant l’entrainement de natation. Un classique pour les jeunes des Piranhas: cours, entrainement, maison. On ne savait exactement comment on allait les trouver. En mode cours du soir, le nez plongé dans les livres et cahiers? En ambiance « boîte de nuit » faisant la fête pour se décontracter après une journée épuisante? Ou encore en pleine concentration pour se confier avec sérieux et dire le plus profond de leur âme? Rien de tout cela mais plutôt sept jeunes à l’aise dans leurs baskets et heureux de faire partager leur joie d’être ensemble dans un club qui les attire depuis plusieurs années déjà et rythme leurs vies quotidiennes.
A gauche se trouve Tiago, qui fait penser à Michael Phelps, presque capable d’atteindre avec un seul bras, le mur opposé de la piscine. Mutin, crapule un peu, avec ses petites lunettes, et à vrai dire méconnaissable sans son casque de vélo, Kerian est à sa droite, aussi à l’aise que dans « son » Izoard chéri qu’il gravit l’été en famille. A côté de lui le chef d’orchestre, plein d’énergie et d’expérience, j’ai nommé Sacha, dont on me dit qu’il fut timide et réservé. C’était avant alors, bien avant. Si on ne connaissait pas le fonctionnement du club, on dirait qu’il est « chef de meute » et on aurait tout faux. Sa volubilité est largement compensée par sa voisine, Lilou, qui lorsqu’elle n’est pas à côté de son amie Manon, est plongée dans un profond mutisme, les coudes sur ses genoux comme pour cacher sa grande taille et se faire toute petite. En bout de table opposé, trône, une des plus anciennes, en terminale (ça impose): Julie. Julie qui « n’avance pas dans les côtes » à son grand désespoir mais fonce tête baissée face au vent en premier rideau le mercredi après-midi. Julie qui lors d’une épreuve, pleure et rit presque simultanément. Mais qui fièrement déclare presque aussi heureuse que si elle était championne de France: « Valentin me dit que j’ai toujours le sourire ». Affirmation vérifiée … entre deux sanglots, au sommet d’une côte.
Julie n’est pas grande. Manon est immense. La nature est ainsi faite. Elle bougonne un peu Manon. On sent qu’elle voudrait l’excellence et ne se satisfait guère d’une 25 ème place aux France. Coincée entre l’envie d’en faire plus et celle ne pas trop montrer ses capacités. Un jour, en côte à vélo, elle est venue à notre hauteur avec une aisance déconcertante et un peu honteuse de sa facilité avait demandé toute rouge; « Ça va? ». Ça allait bien effectivement de se faire rattraper par une minime première année en roue libre. Enfin, il y a Sam. Il respire la solidité, l’expérience, le vieux briscard qui a vécu beaucoup de campagnes sportives et à qui le club est comme une seconde famille. La voix est à l’image de son coup de pédale surpuissant: ferme et dense. Sam est un pilier.
Sept, mais n’allez pas faire de comparaison facile avec les sept nains. Car si les amis de Blanche Neige vont chaque jour à la mine, nos sept Piranhas ne se contentent pas d’aller au lycée pour une moyenne de 35 heures de cours. Ils ajoutent à leur emploi du temps scolaire quatorze à quinze heures d’entrainement hebdomadaire: piscine, course à pied et vélo. « Cinquante heures plus …. le code ». Quand vous leur montrez que c’est largement supérieur en intensité à la plupart des semaines professionnelles des adultes, ils s’en amusent plutôt. « Cela occupe, cela remplit bien la journée » déclare Tiago, « et en plus, on est bien crevé le soir et j’aime cela, cette fatigue ». Ils s’étonnent même de notre étonnement. Julie précise que cela ressemble effectivement à « Cours, entraînement, dodo » mais avec un large sourire. « On est heureux comme cela, on retrouve les copains, copines ».
C’est vrai que l’on sent une bonne connivence entre toutes et tous. Beaucoup sont au club depuis de nombreuses années. Sam était en CE1 lors la prise de sa première licence, Sacha avait six ans, Manon était en sixième, Louison (absent) a onze années d’adhésions. Presque tous ont fréquenté les mini-poussins. On apprend à se connaitre très tôt. Nombreux sont passés par la natation et le CMND mais ont préféré la diversité du triathlon. Et puis les Piranhas c’est quand même « presque une deuxième famille », alors avec ces heures nombreuses d’entrainements autant que cela se passe dans une bonne ambiance et avec le sourire.
Famille d’ailleurs ou secte? Ouverts sur les autres ou refermés sur eux mêmes? Ces questions les laissent ébahis. « Il est inexact de dire que l’on cherche uniquement la performance dans la compétition » et leurs yeux grand ouverts donnent du poids à leur surprise. On ne rentre pas aux Piranhas pour devenir obligatoirement champion du monde, « je ne le serai jamais » dit haut et fort Manon, sous les moqueries des autres, « tu te sous estimes Manon ». Et puis on peut rater un entrainement dit Kerian « enfin pas trop, mais ce n’est pas comme dans d’autres clubs où l’on doit justifier d’une absence ».
Ce que toutes et tous cherchent avant tout « c’est progresser », un verbe qui revient comme un leitmotiv, « on s’entraine pour progresser » et comme le dit paradoxalement Tiago « avoir mal, cela fait du bien » sous les éclats de rire des copines et copains. Un podium n’est plus alors que « la cerise sur le gâteau ». « Se défouler », « s’améliorer », « accéder aux France », « rire et être ensemble », voilà les moteurs des jeunes Piranhas qui les incitent à quitter les écrans pour chausser les pointes, enfourcher le vélo, ou enfiler la combinaison. Alors ne leur parlez pas de la vision des extérieurs: « Elitiste? ». Après l’éclat de rire général, à l’énoncé de ce qualificatif, Sacha avoue quand même qu’un professeur s’est émerveillé lorsqu’il a appris qu’il était aux Piranhas. « Tu es Piranhas? Ça alors! ». Et Sacha de se moquer du regard du prof qui avait le sentiment de se trouver devant un exemplaire rare d’un ado hors normes. Il faut insister un peu pour que l’une déclare: « c’est vrai que lorsque tu deviens forte, tu as un peu d’ego. C’est obligé ». Pourtant des ego surdimensionnés ne semblent pas très présents autour de la table, où l’on préfère se chambrer gentiment en évoquant sans tabou le niveau de chacun et chacune.
Quant aux résultats scolaires, ils sont là « puisque même X a eu son bac! ». Nous tairons volontairement le nom du tritahlète rétrospectivement moqué gentiment.
La communauté reste donc essentielle: « On se voit quand même tous les jours et c’est tellement mieux de pratiquer en groupe que seul ». Alors est évoqué le moment où l’on va quitter le lycée et forcément s’éloigner géographiquement du club. Julie, qui est concernée par ce probable départ, le redoute. « Il faut que je fasse du sport tous les jours. Mais sans mes copines et copains…. ». La voix se veut déjà nostalgique: quitter le club c’est aussi probablement quitter l’adolescence.
Alors Julie préfère revenir à aujourd’hui, à cet entraînement de natation qui suit, à la sortie de vélo du mercredi malgré ses côtes qu’il faudrait effacer, ou descendre exclusivement. Pour la plupart ils disent préférer le vélo où les progrès se mesurent plus aisément, « même si cet hiver, sous les bourrasques de vent ou la pluie, nous changerons probablement d’avis ».
Il est temps de les laisser se préparer. Les rires n’appartiennent qu’à eux, à leur connivence, à l’amitié que des heures partagées dans l’effort subliment. En les quittant on se dit qu’on n’a pas affaire à des jeunes obsédés par la performance, autistes à leur environnement mais à des adolescents heureux de vivre ensemble des moments forts. On se dit qu’ils ont bien de la chance. On se dit que l’on aimerait bien revenir avec eux à ces années de partage.
Eric Rubert.
Propos recueillis le 11 octobre 2021.
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