BORDEAUX PARIS: « MÊME PAS FATIGUEE ».
On avait laissé Pauline Denorme à trois semaines de son défi de rallier à vélo Bordeaux à Paris en moins de quarante heures. Nous l’avons retrouvée deux semaine plus tard pour qu’elle nous raconte son périple réussi.
A voir sa détermination nous n’avions jamais douté de sa capacité à réussir. Par contre le peu d’expérience emmagasinée auparavant laissait coi de nombreux adhérents. « Je ne le ferai pas » disaient le samedi d’avant, les cyclos chevronnés. « Je ne l’aurai pas fait » proclamèrent le samedi d’après, d’autres cyclos. tout aussi chevronnés. Mais rien n’était impossible pour Pauline qui déclarera quand même après coup: « je me rends compte qu’il me manque des fondamentaux. C’est d’autant plus gratifiant que cela me donne une grande marge de progrès ».
Alors bien entendu le samedi soir on dort peu et on se pose la question rituelle « Mais que fais je là? Pourquoi s’embarquer dans cette galère? ». Et puis la veille on regarde les autres, on se demande si on a le niveau, on doute de son entrainement, un sentiment d’instabilité s’installe, accru quand on sait que seulement 23 femmes ont pris un dossard. Pauline emploie alors un mot fort, celui « d’imposteur » qui résume pour elle la sensation de ne pas être à sa place, de par son inexpérience notamment. Heureusement, le départ par groupe de six, toutes les minutes le long des quais de la Garonne va faire retomber la pression et laisser la place à un sentiment de bonheur, de plénitude, de concrétisation des efforts fournis en amont.
De suite Pauline nous donne la clé de sa réussite, celle qui fait qu’elle ne ressentira aucun ennui, aucune lassitude, aucun stress sur la route: elle a cloisonné sa randonnée en étapes, d’ « étape de vie en étape de vie ». Ce n’est pas 650 km à parcourir, mais 150 kms à plusieurs reprises. Et puis rapidement Pauline substitue au « je », le terme de « on » car lors de la première étape vers Montbron, elle ne le sait pas encore, mais elle ne va pas pas gagner Paris seule. Trois compères vont de manière naturelle se joindre à elle , « même allure, mais je n’avais jamais rouler en groupe, et là j’ai découvert combien c’était agréable ». Ils s’appellent Florent, Salvatore et Stéphane. Ils sont de l’Ain, ont environ entre 40 et 50 ans et incorporent sans aucune parole Pauline à leur groupe. Comme les trois mousquetaires, la bande comporte maintenant quatre membres. Et cela va changer beaucoup de choses. On discute, « La Normandie c’est plat! », on apprend à se connaître, on partage les relais. « Ne me sentant pas un boulet à la fin de la première étape je leur ai dit: je repartirai bien avec vous ». De solitaire l’aventure devient collective. Et puis Pierre Olivier, le mari « génial »est là. A l’étape il a tout préparé, tout prévu: bidon, repas, révision mécanique. « Il a été formidable et sa présence a été indispensable ».
La suite, c’est un grand éclat de rire qui l’annonce car le dénivelé cela fait rire Pauline! 3500 mètres entre Montbron et Chateauroux, plus de la moitié du total sur moins d’un quart du parcours. Après c’est du gâteau, sauf la vallée de Chevreuse, mais cela c’est pour plus tard. Et puis il faut quand même lutter contre la chaleur, les pieds brûlants, le compteur qui marque 41 degrés, et ajouter la fréquentation des cimetières pour les robinets d’eau mais pas d’inquiétude particulière car « avec les trois garçons on savait que l’on était dans le timing. Juste un peu de crainte à l’idée d’aborder ma première nuit sur un vélo ». Et là on devine que Pauline a attrapé le virus de ces longues randonnées car l’inquiétude se transforme en bonheur complet et le son de la voix ne trompe pas: « on ressent la nuit une sensation de facilité. Une impression de GLISSER » et la licenciée mime le geste avec la main. « Fraicheur de la nuit, pas de voitures, le dénivelé comme dissimulé par l’obscurité ». Elle se dit « Profite. Profite de l’évènement » et ne lui demander pas à quoi elle pensait, elle est incapable de le dire, obnubilée par les sensations physiques de bien être. Et puis il y a ces lieux que l’on veut graver dans sa mémoire pour y revenir, St Benoit du Sault, Villebois la Villette, des pancartes qui ont marqué et dont Pauline veut absolument se souvenir, y revenir, comme la manifestation tangible d’une autre manière de voir le paysage.
Premier petit problème: à Chateauroux les garçons ont prévu de repartir à quatre heures du matin après une pause de quatre heures. Hésitation, questionnement et finalement la décision est prise de les accompagner après un repos relatif dans la voiture. On devine encore aujourd’hui que cette décision ne fut pas facile mais le charme de ces parcours au long cours réside dans ces impondérables, ces décisions importantes comme le choix d’une route pour les navigateurs solitaires. Et puis ce choix fut certainement le bon puisque l’objectif fixé et répété au début de l’entretien est : finir dans les délais.
Alors on écarte les indécisions, les regrets et on roule sur une étape courte (120 kms!) et facile vers Mer. Pas de problème de mise en route, « vent de face tout le dimanche, on est partis vite. Oh là là ça roulait » et puis autre miracle de la randonnée de nuit, un lever à l’aube d’un rideau de fer, celui d’un boulanger, d’un café. « Je n’avais pas sommeil. J’étais heureuse car à ce moment là je savais que j’allais réussir. J’étais dans le plaisir de faire ce que j’aime. Rien d’autre » même si la Beauce et ses paysages linéaires vont tempérer ce bonheur: « Je me suis ennuyée, mais ennuyée. Horrible. Des champs. Du vert. Des éoliennes. et le vent qui ne nous a pas lâché. Des heures sans fin ».
Mais comme tout, la Beauce a une fin et après 460 bornes et un arrêt d’une demi heure, le délai moyen, il faut repartir et là, la bande des quatre remonte des dizaines de participants et d’autres encore. Et puis patatras, elle ne va rien remonter du tout et ne verra plus grand monde car Stépane « Patay » tient à préciser Pauline en épelant son nom comme pour l’exorciser, le maudire ou l’excuser, va casser sa chaine et la légèreté du groupe devient brusquement un handicap. On reste ensemble tenu par un pacte non signé, on attend inutilement sans pouvoir ne rien faire. Une heure trente perdue entre l’arrêt et la décision d’abandon du cyclo. C’est dur et des jours plus tard, aucune amertume mais du regret et l’évocation du stress lorsque l’on est en pleine forme et qu’il faut attendre par solidarité: « Là je me suis vraiment demandé si je restais avec eux. Et puis j’ai décidé de rester ». Une heure trente qui n’empochera pas la réussite mais qui demeure une faille. Un regret éternel car Pauline n’a jamais eu mal aux jambes, n’a jamais ressenti la fatigue extrême, jamais les sensations de difficultés rencontrées à l’entraînement. « Prendre les relais, regarder d’autres paysages » explique t’elle. Et peut être oublie t’elle l’adrénaline, le bonheur de se dépasser, l’accession à des limites inconnues? « Pas eu le temps d’être fatiguée » et donc « pas dégoutée du vélo. Au contraire! ».
Alors on passe vite sur les seuls moments de difficulté, mais proches de l’arrivée. La mythique vallée de Chevreuse, ses sept côtes connues des pros, mais aussi ses feux rouges, ses voitures qui vous serrent et ses klaxons de colère. Bienvenue en région parisienne. « Florent devant, moi au milieu, Salvatore derrière » comme un ordre naturel immuable dans les bosses.
« Quand je suis arrivée j’ai eu le sentiment d’être sur une autre planète. Les gars m’ont laissé franchir la ligne devant eux. Je n’avais pas le sentiment de venir de Bordeaux. C’était comme si il ne s’était rien passé. Comme j’effaçais dans ma tête les étapes au fur et à mesure de leur réalisation, je n’avais pas fait 650 kms. » Alors ce sont les messages consultés qui vont faire revenir Pauline sur terre, ceux du club qui l’ont beaucoup touchée, messages de la famille, des deux enfants qui crient sur une vidéo « Allez maman », prendre conscience enfin de ce qui a été accompli. Sereinement. Tranquillement. 28 heures trente de vélo. 10 heures de pause. Des chiffres pour dissimuler une véritable aventure de vie, un moment fort de l’existence, un de ces rares instants où l’on se sent pleinement vivante.
Les étoiles sont encore là dans les yeux, rien pour l’instant n’est oublié. Le temps fera son oeuvre de sélection et l’heure trente de chaine cassée subsistera longtemps mais le temps de deux jours, l’espace de vie s’est élargi, agrandi. Alors on glisse un autre projet, celui de Paris Brest Paris qui aura lieu en 2023, une aubaine à saisir qui ne se présente que tous les quatre ans. PBP pour les initiés, le Graal des randonneurs au long cours, la Mecque pour les insomniaques. Et puis le faire à deux avec son mari, lui qui été formidable dans son rôle d’accompagnateur mais qui aurait tant aimé être aussi sur le vélo, ce serait bien.
Le yeux pétillent. Un petite brèche s’est ouverte. Il ne reste plus qu’à l’agrandir. Laisser pénétrer le rêve, les envies et vivre pleinement sa passion. Même si on vient de la découvrir depuis peu.
Eric Rubert
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